Les attentats criminels qui viennent de se dérouler nous interpellent et font réagir la Nation.
Depuis quarante ans les "élites" autoproclamées ont laissé s’installer un déclin généralisé par manque de courage politique : « tout va bien » « tout ne va pas si mal » « les fondamentaux sont bons »…
Pendant les quarante années où j’ai enseigné j’ai vu les «(ir)responsables » nous contraindre à admettre l’inadmissible, par lâcheté ... et d’abandon en abandon on en arrive à des situations ingérables.
Mais on a vu aussi la France de désindustrialiser de façon dramatique, les campagnes se vider, alors que le mot d’ordre des "élites" était finalement : « prends l’oseille et tire toi » - dirigeants de grandes entreprises privées ou publiques, titulaires de comptes dans les paradis fiscaux… La liste serait trop longue...
Nous avons touché le fond, nos valeurs ont abandonnées, sacrifiées.
Jeannette Boughrab, fille de harki, ces hommes vis-à-vis desquels la France s’est si mal comportée, compagne de Charb a crié sa révolte, une révolte prémonitoire, voici des mois; il faut l'écouter, la lire!
"J'ai peur que cette France ne soit bientôt plus la France. Je suis tétanisée à l'idée que, demain, je pourrais ne plus être libre de penser, de dire ce que je veux, de blasphémer.» Ne supportant plus le «politiquement correct» des élites qui répètent que «tout va bien», elle redoute «la première conséquence de cet aveuglement, de ce déni de la réalité» : «L'installation définitive des partis extrêmes en France.»
La France a déjà connu dans son histoire maints moments de déclin et de honte; elle a su également le relever. Faisons en sorte que ce soit encore le cas. L'ampleur de la manifestation qui se déroule nous invite à espérer.
La réaction aux crimes qui viennent de se dérouler constitue un gigantesque mouvement de ressaisissement. Comment faire pour que ce ne soit pas qu’un feu de paille, comment faire pour reconstruire un nouveau contrat social, une Nouvelle Société, plus juste, qui puisse exclure de son sein toutes les formes putrides qui tuent le corps social.
Ce qui arrive n’est pas un accident, mais une conséquence, le résultat de dérives multiples qui forment une masse critique qui engendre ces explosions de haine.
La Nation, l’Etat, le Peuple, ne sont pas responsables de tout. Le problème est international et certaines dimensions nous échappent, mais nous sommes responsables de la défense de nos valeurs. Ces valeurs des Lumières qui sont, disait Tocqueville, la reprise laïcisée des valeurs du christianislme originel.
La Nation se relève, se redresse, qu’elle porte bien haut ses exigences vis-à-vis d’elle-même, vis-à-vis de ses membres et qu’elle n’accepte plus, que nous n’acceptions plus l'inacceptable.
On peut en profiter pour relire et tirer la substantifique moelle de la fin du discours de Tocqueville demandant le 30 mai 1845, l’abolition totale et immédiate de l’esclavage rappelant comment la France connaissait ce grands moments d’alternance, ces moments de faiblesse pendant lesquels elle perd ses valeurs , cette France qui fait soumission (beau programme !!) et ceux où elle se relève et déclare que ses valeurs ne sont pas négociables :
Et remarquez-le, Messieurs, non seulement l'abolition de l'esclavage, l'idée de l'abolition de l'esclavage, cette grande et sainte idée est sortie du fond même de l'esprit moderne français ; mais bien plus, vous la voyez se saisir plus ou moins de l'esprit de la nation, suivant que la nation elle-même sent plus ou moins raviver ou s'éteindre dans son cœur les grands principes de la Révolution. . .
Ainsi, en 1789, par exemple, au même moment où la liberté se fonde en France, on demande la liberté pour les esclaves des colonies.
En 1800, au contraire, lorsque la liberté expire en France, on replonge les esclaves dans les fers aux colonies.
La Restauration arrive. Le Gouvernement a le malheur de se montrer hostile aux principes de la Révolution, il s'unit intimement aux maîtres d'esclaves. Mais l'opinion libérale, l'opinion qui a fait la Révolution de Juillet, l'opinion qui vous a faits ce que vous êtes, prend le parti des Noirs à mesure que les idées libérales gagnent du terrain en France, les idées qui doivent ramener la liberté aux esclaves des colonies se développent.
La Révolution de Juillet a lieu, et aussitôt la traite cesse, les hommes de couleur arrivent à l'indépendance.
Ainsi, non seulement cette grande idée que je cherche si incomplètement, je le sens, à défendre à cette tribune, dont je ne suis en ce moment que le faible champion, mais qui sera, j'ose le dire, toujours plus grande que celui, quel qu'il soit, qui parlera d'elle ; cette grande idée n'est pas seulement votre propriété, elle n'est pas seulement parmi les idées mères de votre Révolution, mais elle vit ou elle meurt dans vos cœurs, suivant qu'on y voit vivre ou renaître tous les sentiments élevés, tous les nobles instincts que votre Révolution a développés, ces nobles instincts par lesquels vous avez fait tout ce que vous avez accompli de grand dans le monde, et sans lesquels, je ne crains pas de le dire, vous ne ferez rien et vous ne serez rien.
Vous pouvez, grâce à ce lien, écouter l'entretien avec Abdelawab Meddeb à propos de mon livre: "Tocqueville, notes sur le Coran et autres textes sur les religions" dont le texte est mis en ligne sur le site des univesrités quebécoises (www.uqac....)