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démocratie

  • État social démocratique, démocratie, despotismes et démocratures

    • Un mouvement irrésistible (nous) entraîne chaque jour, et (nous)marchons en aveugles, peut-être vers le despotisme, peut-être vers la république, mais à coup sûr vers un état social démocratique ?(A., I, 2, ch.5)

     

    Introduction

    Tocqueville analyste de la démocratie moderne : une pensée pour aujourd’hui (les pathologies de la démocratie actuelle).

    Tocqueville annonce le surgissement inéluctable de la démocratie : États-Unis, États de droit de l’Europe occidentale ; une seule alternative désormais : démocratie ou despotisme sachant que le despotisme n’est pas antinomique avec la démocratie, il en est l’un des avatars, l’une des voies de sortie.

    « la démocratie coule à pleins bords »

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  • Dictionnaire Tocqueville

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  • Le France et la réforme - Circus Maximus -

     

    Ce qui se passe aujourd’hui en France est exemplaire quant à notre incapacité de réformer. Les démocraties seront des régimes agités et conservateurs disait Tocqueville. Quoi de plus vrai chez nous ? On peut se reporter à : http://www.constructif.fr/bibliotheque/2014-11/le-point-de-vue-de-tocqueville.html?item_id=3435

     

    La démocratie ne répond pas toujours à l’appel, en France, elle est plus souvent apparente que réelle : une démocratie d’apparence et d’apparences. Quant à l’agitation de nos frondeurs, qui postériorisent l’hémicycle, ils attirent tous les regards et commentaires de nos merdias. 

    Guignolades des séances de questions, postures ; c’est grandiose ! Tous ceux qui voudraient bien avoir l’air mais n’ont pas l’air du tout se précipitent sur le devant de la scène, Paul avec son look mi- Coluche (en moins drôle, mi- Christophe Colomb, mais on se demande ce qu’il aurait bien pu découvrir…).frondeurs,christian jacob,ump,martine auv-bry,cécile duflot,hamon,agités,conservateurs,fondement,poiret,dégage,démocratie,réformeCapture d’écran 2015-02-18 à 14.36.35.png

     

     

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    Agités "fondamentaux" qui ont oublié qu’on peut (normalement) tout faire avec une épée, sauf s’asseoir dessus…Capture d’écran 2015-02-18 à 14.37.49.png

    Et Martine ! Elle n'a pas peur : "il fallait continuer à discuter !" Tu l'as dit !!! Elle me saoule...

    Et Duflot ! « Ce qui vient de flot repart de marée », dit-on chez moi !Capture d’écran 2015-02-18 à 14.39.50.png

     

    En face, ceux qui s’opposent à une loi, discutée démocratiquement, dont bien des éléments vont dans le sens de leurs aspirations antérieures, s’opposent au texte !

    A ce jeu Christian Jacob est remarquable.Capture d’écran 2015-02-18 à 14.34.41.png

    Il me fait penser à Poiret, dans « La gueule de l’autre » mais Poiret jouait !frondeurs,christian jacob,ump,martine auv-bry,cécile duflot,hamon,agités,conservateurs,fondement,poiret,dégage,démocratie,réforme

    Le spectacle  de nos politiques serait comique s’il n’était affligeant, à moins que ce ne soit l’inverse !

    Fichez-moi tout ça dehors !

     

    http://www.constructif.fr/bibliotheque/2014-11/le-point-de-vue-de-tocqueville.html?item_id=3435

     

  • Retour du Québec

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    Lors de leur périple nord-américain, Tocqueville et Beaumont poussèrent jusqu’à la frontière, Saguinaw Bay sur le lac Huron, qu’ils atteignirent le 26 juillet 1831, après avoir traversé « le désert », entendons ici, la "Wilderness", la grande forêt.
    "Ce voyage au bout du monde, l’expérience anthropologique particulièrement intéressante qu’il permet, se prête à la réflexion philosophique. La petite « colonie » (même si le terme est un peu impropre) qui vit là comporte une trentaine d’habitants et met en présence cinq groupes humains tout à fait différents : les Indiens, les métis, les Anglais et les Français, et les pionniers américains.
    Les métis nommés les Bois-Brûlé, sont généralement les fils de blancs d’origine française qui ont épousé une Indienne, fondé une famille et vivent de la chasse et de la vente des peaux. Leur rencontre se fit de façon surprenante Pour arriver à Saginaw, les voyageurs doivent traverser la rivière, le passeur que Tocqueville a pris pour un Indien lui dit soudain avec cet accent caractéristique, celui des Bas-Normands de son village
    : « N’allez pas trop vitement, y en a des fois ici qui s’y noient. » « Mon cheval m’aurait adressé la parole que je n’aurais pas, je crois, été plus surpris », ajoute Tocqueville. La surprise ne s’arrête pas là, le Bois-Brûlé se met soudain à chanter, là-bas, au bout du monde, à près de 6 000 kilomètres de Paris :
    « Entre Paris et Saint-Denis
    Il était une fille…
    »
    On serait surpris à moins ! Et le lendemain, nouvel étonnement : le métis était absent mais sa jeune femme, une Indienne, psalmodiait sur un air indien Les cantiques de la Providence !
    Quant aux Anglais et aux Français, leur proximité et leur cohabitation au bout du monde ne font qu’accentuer les contrastes entre deux types d’hommes, deux civilisations, deux façons d’envisager le monde et la vie. Le Français est avenant et cordial, volontiers casanier, mais il se montre capable de se soumettre aux conditions les plus rudes, de vivre avec les Indiens, ou près d’eux, d’assimiler leurs coutumes et même de prendre femme. L’Anglais, lui, est froid, tenace, argumentateur. Ce serait une illusion de croire que ce portrait moral est le fait d’un anglophobe convaincu, Tocqueville au contraire a toujours eu la plus grande considération envers les Anglais (et n’oublions pas que Marie Mottley est anglaise). À ces quatre spécimens d’humanité, il convient d’ajouter le plus important en ces lieux : l’Américain, l’homme nouveau, le pionnier".


    Ensuite, les deux amis voyagent pendant deux semaines (21 août – 3 septembre ) dans le Bas-Canada, de Montréal à Québec (où ils séjournent une semaine) et découvrent que leurs compatriotes, abandonnés par le traité de 1763, constituent une population vivace et attachante ; Tocqueville retrouve-là les descendants de ses chers compatriotes :
    ‘Laissons place pour commencer au témoignage donné par Alexis à sa belle-sœur Émilie : « Si jamais vous allez en Amérique, chère sœur, c’est là qu’il faut venir vous établir. Vous retrouverez vos chers Bas-Normands trait pour trait. Monsieur Gisles, madame Noél , j’ai vu tous ces gens-là dans les rues de Québec, les beaux du pays ressemblent à vos cousins de la…. j’ai oublié le nom, c’est à s’y méprendre et les paysans nous ont assuré qu’ils n’avaient jamais besoin d’aller à la ville parce que c’étaient les « créatures » qui se chargeaient de tisser et de faire leurs habits».’P1050638_2.JPG (Voir : Tocqueville, un destin paradoxal, Bayard 2005, p. 84-94)

    Ce fut donc un très grand plaisir, pour moi, d’aller, à la demande de mes amis philosophes et sociologues, donner cinq conférences sur Tocqueville dans les universités de Laval (Québec) et de Motréal (Uqàm), regrettant de ne pouvoir répondre à l’invitation de l’université d’Ottawa qui arriva hors délai en raison de la réservation de la compagnie aérienne.
    A la demande de mes amis Québécois, je mettrai le texte de ces communications en ligne afin que chacun puisse en prendre connaissance.
    Je reviendrai également sur l’état actuel de la société québécoise qui a remarquablement réussi sa « Révolution tranquille » et constitue un modèle de société multiculturelle et ethnique, apaisée et véritablement démocratique, ce dont on rêve comme d’ un « Paradis perdu » ; et fait très notable, dans cette société pacifiée, les forces de police apparaissent comme peu nombreuses ; mais ceci explique cela !

     

    Trois conférences à Québec

     

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    M. Philip KNEE Faculté de Philosophie Bureau 426 Pavillon Félix-Antoine-Savard

    2325 rue des Bibliothèques Université Laval Québec QC G1V 0A6 Canada

    Conférence de Jean-Louis Benoît

    Les Ateliers de philosophie moderne et contemporaine dans le cadre du séminaire de Philip Knee (PHI-7201 – morale et politique) auront l'honneur d'accueillir Jean-Louis Benoît pour une conférence intitulée: « Tocqueville, religion et société », le lundi 5 octobre à 15h30, à la salle 413 du pavillon Félix-Antoine-Savard.

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    Québec Cégep Sainte Foy

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    Conférence de Jean-Louis Benoît, mercredi 7 octobre

    "L'actualité de Tocqueville - une éthique du politique : la dénonciation du racisme, de l'esclavage et du génocide des Indiens, Démocratie et religion, individualisme démocratique et toute puissance de l'Etat, risques et enjeux de la démocratie moderne... et quelques éléments sur l'expérience québécoise de Tocqueville".

     

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    Deux conférences à Montréal

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    Jean-Louis Benoît – Démocratie et religion chez Tocqueville

    La Chaire UNESCO d'étude des fondements philosophiques de la justice et de la société démocratique,

    La Chaire de recherche du Canada en mondialisation, citoyenneté et démocratie

    lancent une série de conférences conjointes sur les fondements de la démocratie moderne.

    Pour l'année 2009-2010, le thème retenu est : RELIGION ET POLITIQUE

    Vous êtes cordialement invités à la première conférence:Démocratie et religion chez Tocqueville

    Par Jean-Louis Benoît, Agrégé de l'Université,

    Docteur ès Lettres, Professeur des Classes Préparatoires aux Grandes Écoles (e.r.)

    Mercredi 14 octobre, de 15h30 à 17h. - local D-R200 Avocat du diable : Yves Couture – UQAM -

    PUBLISHED IN: PHILOSOPHIE POLITIQUE TOCQUEVILLE UNESCO UQAM ON AT 9:21 PM LEAVE A COMMENT

    Cette conférence qui étudie les liens entre démocratie et religion chez le plus célèbre visiteur des États-Unis, Tocqueville, par un spécialiste de l'auteur, ouvre le séminaire conjoint sur les fondements de la démocratie moderne sur le thème en 2009-2010 de Religion et Politique.

    Unité responsable : Chaire UNESCO d'étude des fondements philosophiques de la justice et de la société démocratique

     

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    Université du Québec à Montréal Séminaires 2009-2010 - Département de science politique -

     

    CONFÉRENCE - SÉMINAIRE DÉPARTEMENTALimages.jpeg

    1er Séminaire départemental

    La réception de Tocqueville en France aujourd’hui

    Conférencier :

    Jean-Louis Benoît

    Agrégé de l’Université, Docteur ès Lettres, Professeur des Classes Préparatoires aux Grandes Écoles (e.r.)

    Président et commentateur :Yves Couture - Professeur, Département de science politique, UQAM -

    Jeudi 15 octobre 2009, 12h30 à 14h00 Local A-3316

     

     

  • que le pouvoir arrête le pouvoir

    images.jpegDisciple de Montesquieu, Tocqueville considère qu'il est absolument obligatoire que le pouvoir arrête le pouvoir, si l'on veut éviter le despotisme!images.jpeg

    Je pense donc qu'il faut toujours placer quelque part un pouvoir social supérieur à tous les autres, mais je crois la liberté en péril lorsque ce pouvoir ne trouve devant lui aucun obstacle qui puisse retenir sa marche et lui donner le temps de se modérer lui-même.images.jpeg

    La toute-puissance me semble en soi une chose mauvaise et dangereuse. Son exercice me paraît au-dessus des forces de l'homme, quel qu'il soit, et je ne vois que Dieu qui puisse sans danger être tout-puissant, parce que sa sagesse et sa justice sont toujours égales à son pouvoir. Il n'y a donc pas sur la terre d'autorité si respectable en elle-même, ou revêtue d'un droit si sacré, que je voulusse laisser agir sans contrôle et dominer sans obstacles. Lors donc que je vois accorder le droit et la faculté de tout faire à une puissance quelconque, qu'on l'appelle peuple ou roi, démocratie ou aristocratie, qu'on l'exerce dans une monarchie ou dans une république, je dis: là est le germe de la tyrannie, et je cherche à aller vivre sous d'autres lois.images.jpeg

    Ce que je reproche le plus au gouvernement démocratique, tel qu'on l'a organisé aux États-Unis, ce n'est pas, comme beaucoup de gens le prétendent en Europe, sa faiblesse, mais au contraire sa force irrésistible. Et ce qui me répugne le plus en Amérique, ce n'est pas l'extrême liberté qui y règne, c'est le peu de garantie qu'on y trouve contre la tyrannie.

    Lorsqu'un homme ou un parti souffre d'une injustice aux États-Unis, à qui voulez-vous qu'il s'adresse ? À l'opinion publique ? c'est elle qui forme la majorité; au corps législatif ? il représente la majorité et lui obéit aveuglément; au pouvoir exécutif ? il est nommé par la majorité et lui sert d'instrument passif; à la force publique ? la force publique n'est autre chose que la majorité sous les armes; au jury ? le jury, c'est la majorité revêtue du droit de prononcer des arrêts: les juges eux-mêmes, dans certains États, sont élus par la majorité. Quelque inique ou déraisonnable que soit la mesure qui vous frappe, il faut donc vous y soumettre .

    Supposez, au contraire, un corps législatif composé de telle manière qu'il représente la majorité, sans être nécessairement l'esclave de ses passions; un pouvoir exécutif qui ait une force qui lui soit propre, et une puissance judiciaire indépendante des deux autres pouvoirs; vous aurez encore un gouvernement démocratique, mais il n'y aura presque plus de chances pour la tyrannie.images.jpeg

    Je ne dis pas que dans le temps actuel on fasse en Amérique un fréquent usage de la tyrannie, je dis qu'on n'y découvre point de garantie contre elle, et qu'il faut y chercher les causes de la douceur du gouvernement dans les circonstances et dans les mœurs plutôt que dans les lois.images.jpeg

    De la démocratie en Amérique, 1835,2e partie, ch. VII.

  • Un chapitre de la seconde Démocratie dont les résonances sont fort actuelles

    Voici un chapitre fort intéressant de la seconde Démocratie de Tocqueville qui permet de comprendre pourquoi, dans la seconde partie du XXe siècle, tous les redécouvreurs de Tocqueville (dont Aron, mais également Jacob Peter Mayer à qui l'on doit la mise en place de l'édition des Oeuvres Complètes, chez Gallimard, Furet, mais on aurait grand tort d'oublier Soboul qui analyse avec soin l'approche historique de la Révolution française par Tocqueville, dans l'Encyclopaedia Universalis, Lefebvre, qui rédigea l'introduction de L'Ancien Régime et la Révolution, Braudel, qui rédigea l'introduction des Souvenirs, dans l'édition Folio) ou bien étaient de formation marxiste ou avaient une solide culture marxiste. Dans son fort intéeessant Tocqueville, Jacques Coenen-Huther explique comment le sociologue Ralf Dahrendorf: "a malicieusement présenté une description de la 'révolution de la modernité' qui constitueen fait un habile montage d'extraits du manifeste communiste et de la première Démocratie". A mon sens, le passage qui suit, emprunté à la seconde Démocratie est encore plus significatif. L'analyse des faits (comme en ce qui concerne Le Coup d'Etat du dix-huit Brumaire de Louis-Napoléon Bonaparte) et celle de la situation et des enjeux est identique chez les deux politistes, même si les jugements et choix qui suivent sont différents, voire opposés (on pourra consulter sur ce point mon Tocqueville moraliste).

    Le "prophétisme" de Tocqueville est une formule facile et déplacée, mais son analyse de la possible montée d'un capitalisme industriel, celui des maîtres de forges du XIXe siècle est encore beaucoup plus prégnante pour nous, aujourd'hui, au comment où le capitalisme financier, international et dévoyé, relève du banditisme de la mafia bancaire et capitalistique pour lequel la vie des individus n'a aucune importance et où l'emploi - qui met en question la vie des individus, des familles et des  économies locales - n'est plus qu'une variable d'ajustement!

    Dans le cas précis du texte qui suit, et dont la rigueur est absolument remarquable, on peut penser, juger et/ou regretter que l'hypothèse de Tocqueville selon laquelle la prise de contrôle de la société et de l'économie par une aristocratie inhumaine et pire que tout ce qui a précédé, relève d'un choix de classe, d'un aveuglement volontaire; il n'empêche que ce texte requiert toute notre attention apr les temps qui courent!

    Deuxième partie

     

    CHAPITRE XX

     

    COMMENT L'ARISTOCRATIE POURRAIT SORTIR DE L'INDUSTRIE

     

    J'ai montré comment la démocratie favorisait les développements de l'industrie, et multipliait sans mesure le nombre des industriels; nous allons voir par quel chemin détourné l'industrie pourrait bien à son tour ramener les hommes vers l'aristocratie.

    On a reconnu que quand un ouvrier ne s'occupait tous les jours que du même détail, on parvenait plus aisément, plus rapidement et avec plus d'économie à la pro­duc­tion générale de l’œuvre.

    On a également reconnu que plus une industrie était entreprise en grand, avec de grands capitaux, un grand crédit, plus ses produits étaient à bon marché.

    Ces vérités étaient entrevues depuis longtemps, mais on les a démontrées de nos jours. Déjà on les applique à plusieurs industries très importantes, et successivement les moindres s'en emparent.

    Je ne vois rien dans le monde politique qui doive préoccuper davantage le législa­teur que ces deux nouveaux axiomes de la science industrielle.

    Quand un artisan se livre sans cesse et uniquement à la fabrication d'un seul objet, il finit par s'acquitter de ce travail avec une dextérité singulière. Mais il perd, en même temps, la faculté générale d'appliquer son esprit à la direction du travail. Il devient chaque jour plus habile et moins industrieux, et l'on peut dire qu'en lui l'hom­me se dégrade à mesure que l'ouvrier se perfectionne.

    Que doit-on attendre d'un homme qui a employé vingt ans de sa vie à faire des têtes d'épingles? et à quoi peut désormais s'appliquer chez lui cette puissante intelli­gence humaine, qui a souvent remué le monde, sinon à rechercher le meilleur moyen de faire des tètes d'épingles !

    Lorsqu'un ouvrier a consumé de cette manière une portion considérable de son existence, sa pensée s'est arrêtée pour jamais près de l'objet journalier de ses labeurs; son corps a contracté certaines habitudes fixes dont il ne lui est plus permis de se départir. Et, un mot, il n'appartient plus à lui-même, mais à la profession qu'il a choisie. C'est en vain que les lois et les mœurs ont pris soin de briser autour de cet homme toutes les barrières et de lui ouvrir de tous côtés mille chemins différents vers la fortune; une théorie industrielle plus puissante que les mœurs et les lois l'a attaché à un métier, et souvent à un lieu qu'il ne peut quitter. Elle lui a assigné dans la société une certaine place dont il ne peut sortir. Au milieu du mouvement universel, elle l'a rendu immobile.

    À mesure que le principe de la division du travail reçoit une application plus complète, l'ouvrier devient plus faible, plus borné et plus dépendant. L'art fait des progrès, l'artisan rétrograde. D'un autre côté, à mesure qu'il se découvre plus manifes­tement que les produits d'une industrie sont d'autant plus parfaits et d'autant moins chers que la manufacture est plus vaste et le capital plus grand, des hommes très riches et très éclairés se présentent pour exploiter des industries qui, jusque-là, avaient été livrées à des artisans ignorants ou malaisés. La grandeur des efforts nécessaires et l'immensité des résultats à obtenir les attirent.

    Ainsi donc, dans le même temps que la science industrielle abaisse sans cesse la classe des ouvriers, elle élève celle des maîtres.

    Tandis que l'ouvrier ramène de plus en plus son intelligence à l'étude d'un seul détail, le maître promène chaque jour ses regards sur un plus vaste ensemble, et son esprit s'étend en proportion que celui de l'autre se resserre. Bientôt il ne faudra plus au second que la force physique sans l'intelligence; le premier a besoin de la science, et presque du génie pour réussir. L'un ressemble de plus en plus à l'administrateur d'un vaste empire, et l'autre à une brute.

    Le maître et l'ouvrier n'ont donc ici rien de semblable, et ils diffèrent chaque jour davantage. Ils ne se tiennent que comme les deux anneaux extrêmes d'une longue chaî­ne. Chacun occupe une place qui est faite pour lui, et dont il ne sort point. L'un est dans une dépendance continuelle, étroite et nécessaire de l'autre, et semble né pour obéir, comme celui-ci pour commander.

    Qu'est-ce ceci, sinon de l'aristocratie ?

    Les conditions venant à s'égaliser de plus en plus dans le corps de la nation, le besoin des objets manufacturés s'y généralise et s'y accroît, et le bon marché qui met ces objets à la portée des fortunes médiocres, devient un plus grand élément de succès.

    Il se trouve donc chaque jour que des hommes plus opulents et plus éclairés consacrent à l'industrie leurs richesses et leurs sciences et cherchent, en ouvrant de grands ateliers et en divisant strictement le travail, à satisfaire les nouveaux désirs qui se manifestent de toutes parts.

    Ainsi, à mesure que la masse de la nation tourne à la démocratie, la classe parti­culière qui s'occupe d'industrie devient plus aristocratique. Les hommes se montrent de plus en plus semblables dans l'une et de plus en plus différents dans l'autre, et l'inégalité augmente dans la petite société en proportion qu'elle décroît dans la grande.

    C'est ainsi que, lorsqu'on remonte à la source, il semble qu'on voie l'aristocratie sortir par un effort naturel du sein même de la démocratie.

    Mais cette aristocratie-là ne ressemble point à celles qui l'ont précédée.

    On remarquera d'abord que, ne s'appliquant qu'à l'industrie et à quelques-unes des professions industrielles seulement, elle est une exception, un monstre, dans l'ensem­ble de l'état social.

    Les petites sociétés aristocratiques que forment certaines industries au milieu de l'immense démocratie de nos jours renferment, comme les grandes sociétés aristocra­tiques des anciens temps, quelques hommes très opulents et une multitude très misérable.

    Ces pauvres ont peu de moyens de sortir de leur condition et de devenir riches, mais les riches deviennent sans cesse des pauvres, ou quittent le négoce après avoir réalisé leurs profits. Ainsi, les éléments qui forment la classe des pauvres sont à peu près fixes; mais les éléments qui composent la classe des riches ne le sont pas. À vrai dire, quoiqu'il y ait des riches, la classe des riches n'existe point; car ces riches n'ont pas d'esprit ni d'objets communs, de traditions ni d'espérances communes. Il y a donc des membres, mais point de corps.

    Non seulement les riches ne sont pas unis solidement entre eux, mais on peut dire qu'il n'y a pas de lien véritable entre le pauvre et le riche.

    Ils ne sont pas fixés à perpétuité l'un près de l'autre; à chaque instant l'intérêt les rapproche et les sépare. L'ouvrier dépend en général des maîtres, mais non de tel maître. Ces deux hommes se voient à la fabrique et ne se connaissent pas ailleurs, et tandis qu'ils se touchent par un point, ils restent fort éloignés par tous les autres. Le manufacturier ne demande à l'ouvrier que son travail, et l'ouvrier n'attend de lui que le salaire. L'un ne s'engage point à protéger, ni l'autre à défendre, et ils ne sont liés d'une manière permanente, ni par l'habitude, ni par le devoir.

    L'aristocratie que fonde le négoce ne se fixe presque jamais au milieu de la popu­lation industrielle qu'elle dirige; son but n'est point de gouverner celle-ci, mais de s'en servir.

    Une aristocratie ainsi constituée ne saurait avoir une grande prise sur ceux qu'elle emploie; et, parvint-elle à les saisir un moment, bientôt ils lui échappent. Elle ne sait pas vouloir et ne peut agir.

    L'aristocratie territoriale des siècles passés était obligée par la loi, ou se croyait obligée par les mœurs, de venir au secours de ses serviteurs et de soulager leurs misères. Mais l'aristocratie manufacturière de nos jours, après avoir appauvri et abruti les hommes dont elle se sert, les livre en temps de crise à la charité publique pour les nourrir. Ceci résulte naturellement de ce qui précède. Entre l'ouvrier et le maître, les rapports sont fréquents, mais il n'y a pas d'association véritable.

    Je pense qu'à tout prendre, l'aristocratie manufacturière que nous voyons s'élever sous nos yeux est une des plus dures qui aient paru sur la terre; mais elle est en même temps une des plus restreintes et des moins dangereuses.

    Toutefois, c’est de ce côté que les amis de la démocratie doivent sans cesse tour­ner avec inquiétude leurs regards; car, si jamais l'inégalité permanente des condi­tions et l'aristocratie pénètrent de nouveau dans le monde, on peut prédire qu'elles y entreront par cette porte.

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